De nos jours, acra et marinade désignent indistinctement de petits beignets à base de morue, de crevettes ou parfois de légumes, servis à longueur d’année ici aux Antilles en appéritif ou en entrée, voire comme simple repas. Mais la confusion du genre n’a pas toujours existé.
Dès le début de la colonisation, l’église se donna comme mission d’évangéliser les esclaves et institua des normes claires et strictes que les ateliers étaient tenus de respecter, le carême par exemple. C’est ainsi que pour faire maigre, les esclaves réintroduisirent des habitudes culinaires qu’ils avaient déjà en Afrique, notamment ces petits beignets confectionnés avec des haricots, les « akara » (en langue éwé ou en yoruba, akara traduisait « beignet de légume »). Bien sûr des légumes locaux se substituèrent aux haricots, par exemple du giraumon et des choux malanga.
Précisons-le bien, les acras de la période sainte se faisaient sans farine-France.
Donnant dans la variété, d’autres ingrédients firent peu à peu leur apparition, entre autres titiris, crevettes (ou écrevisses). Dans ce cas, à l’imitation du maître, on faisait macérer au préalable poissons ou crustacés dans une marinade et le mets de base était ensuite enrobé d’un peu de farine avant d’être plongé dans l’huile chaude. Vous vous imaginez bien que les marinades étaient faites dans la cuisine du maître, pour le maître (on ne donnait pas de farine aux esclaves).
Plus par imitation du blanc que par glissement linguistique, le mot marinade s’appliqua donc à cette deuxième sorte de beignet.
Après l’abolition, les acras devinrent la chose du pauvre, même si on les retrouvait presque systématiquement au menu du souper madininais ou karukérais jusqu’au début des années 60. Ce n’est qu’assez récemment qu’ils reprirent des lettres de noblesse, par souci de vivre les traditions à 200 %, peut-être aussi par le fait qu’ils soient devenus un produit d’appel touristique, et enfin parce que lorsqu’ils sont bien moelleux, hum… avouons que c’est bon !
Josépha Luce
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